euro1Éric Desrosiers

Le Devoir, Économie
21 mai 2011, p. C1

«L’Europe s’est construite à travers les crises», dit Bruno Vever

La crise de la dette souveraine est un choc dont le projet européen avait finalement bien besoin, estime le secrétaire général de l’Association Europe et Entreprise, Bruno Vever. Il ne reste plus qu’à espérer maintenant qu’il ne retombera pas rapidement dans ses vieux travers, mais qu’il en profitera plutôt pour entreprendre enfin le passage de l’intégration monétaire à l’intégration économique.

«L’Europe s’est construite à travers les crises, a-t-il déclaré hier, citant l’un des pères du projet européen, Jean Monnet, lors d’un déjeuner-causerie organisé par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) en association avec le réseau de réflexion l’Idée fédérale. Les marchés sont parfois brutaux et injustes, mais ils ont le mérite de se manifester et de forcer nos dirigeants à tirer les leçons d’incohérences qui sont là, qui sont bien réelles. Ils jouent un rôle utile dans la construction européenne parce qu’on s’était tous endormis depuis dix ans: les gouvernements, laCommission européenne, les marchés aussi… tous.»

L’un des grands problèmes auxquels les pays européens doivent s’attaquer, selon ce dirigeant d’une association patronale comptant une centaine de membres essentiellement français, est l’absence de mécanisme de gouvernance économique commune alors qu’ils ont une monnaie en partage. «Il n’y a pas de crise de l’euro. L’euro se porte bien», a-t-il dit, soulignant notamment que la devise reste forte par rapport au dollar américain et que de plus en plus de pays l’utilisent comme monnaie de réserve. «La Banque centrale européenne a bien marché aussi. Le problème est qu’elle est toute seule comme institution économique communautaire et qu’elle ne peut pas tout faire.»

Toutes sortes de projets de réforme ont été avancés ces derniers mois en réponse à la crise. BrunoVever se réjouit notamment de la création d’un Fonds de stabilisation de 750 milliards d’euros pour venir en aide à des pays membres en difficulté, comme la Grèce, l’Irlande et le Portugal. Il se félicite aussi que l’on se propose enfin de changer le mécanisme de sanction contre les futurs pays qui seront pris à dépasser les limites de déficit budgétaire et d’endettement fixées par le Pacte de stabilité de la zone euro. Les sanctions devraient désormais s’appliquer automatiquement, à moins d’une entente négociée avec tous les autres pays, alors que, jusqu’à présent, la règle a plutôt été l’inverse.

Deux hirondelles

«Mais deux hirondelles ne font pas le printemps», a-t-il prévenu. Les 17 pays de la zone euro et les 27 pays de l’Union européenne ne semblent toujours pas plus intéressés qu’auparavant par l’idée de se donner une forme ou une autre de gouvernement économique européen, et semblent vouloir continuer de s’en remettre à la négociation entre gouvernements nationaux et à une approche volontaire.

Il voudrait, aussi, que l’on envisage enfin, entre autres, de s’imposer des lignes directrices en matière de politique fiscale, d’émettre des obligations européennes, de mettre en commun certains biens publics, comme le contrôle des frontières et l’émission de brevets, et de doter les institutions européennes de ressources budgétaires conséquentes à la place du misérable 1 % du PIB que leur versent actuellement les pays membres. Il faudrait aussi aménager une meilleure place aux citoyens, qui ont raison de se sentir bien loin des tractations qui se mènent présentement entre dirigeants politiques sur l’avenir de l’Europe.

Bruno Vever a conclu son allocution sur une pirouette, invitant tous les acteurs concernés à prendre part au débat. «En attendant, on croise les doigts, mais on ne se tourne pas les pouces.»

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